Esmaël BAHRANI IRANIEN - Vit à PARIS ― b. 1978
"Aujourd’hui quand je peins je ne réfléchis pas, les pensées me viennent toutes seules, la Syrie, la guerre, la dictature. Je ne cherche pas à être politique mais ce sont des sentiments et des images qui me viennent car le pouvoir politique agit directement sur nos vies."
Esmaël Bahrani est un artiste iranien né en 1978. Depuis 2015 il vit et travaille en France. Il étudie d'abord à l’Université d’Art et d’Architecture de Téhéran mais se détourne rapidement du dogmatisme des cours pour tracer sa propre voie.
En Iran, une partie de la jeunesse, à travers son mode de vie, son dynamisme et sa créativité artistique, refuse de s’astreindre aux lois très conservatrices de la République islamique et tente de réinventer un pays ouvert et libre. Esmaël prend rapidement part à cette effervescence libertaire et devient une figure de proue de l’underground à travers ses graffitis réalisés la nuit. Semblables à des cris, ses œuvres puissantes dénoncent l’oppression du régime.
Parallèlement à ses expéditions nocturnes, l’artiste travaille également en atelier. Recouvrant ses toiles de cire pour mieux les gratter, il fait apparaître dans un environnement chaotique des corps qu’il n’hésite pas à amputer pour en souligner la fragilité. Bien souvent, seul un visage subsiste aux traits puissamment corrosifs. La force expressive de cette simple présence bouleverse et imprègne la rétine. Esmaël Bahrani oppose, au-delà de la violence des formes, une force de vie qui révèle une humanité universelle et combattante. L’espace de ses toiles est peuplé de symboles graphiques, de signes hétéroclites évoquant à la fois l’art pariétal et les graffitis contemporains. Armes phalliques et bottes militaires, références au milieu carcéral, écritures en forme de palimpseste, ou bien encore inscriptions de chiffres en persan révélant l’incessant flux de données numériques qui nous entourent. Cette profusion sémantique synthétise des horizons culturels variés en un langage original.
Esmaël expose ses œuvres dans plusieurs galeries où son travail se fait rapidement remarquer des cercles initiés. En 2005, la galerie Azad Art de Téhéran lui consacre une exposition individuelle. Sa carrière est lancée. En 2007, il est invité par l’artiste Hervé Di Rosa à Sète à participer à une exposition collective au Musée International des Arts Modestes (MIAM). En 2012 à Téhéran, son exposition personnelle à la Dastan Gallery est un succès. A Paris, trois ans plus tard, il anime une conférence à l’Institut du monde Arabe. Il saisit sa chance et décide de rester en France. Exilé à Paris, Esmaël Bahrani est accueilli dans un premier temps dans l’atelier d’un ami. En 2017, la galerie Berthéas organise sa première exposition monographique en France et publie l’année d’après un livre consacré à son incroyable parcours. Depuis, son œuvre engagée connaît un retentissement grandissant auprès des collectionneurs et des amateurs à travers l’Europe.
Aujourd’hui installé à Belleville, Esmaël développe son art où se télescopent Moyen-Orient et Occident, mythes ancestraux et culture underground, art brut et art urbain. De son parcours d’artiste en Iran, il a conservé le goût pour l’adrénaline et la nécessité d’agir vite. Même à l’abri dans son atelier il continue d’accorder un rôle primordial à l’improvisation, à l’irruption de l’accident. Sa peinture est le résultat d’un corps-à-corps survolté avec la toile. Dans sa rage primitive rien ne lui est épargné : inscriptions, projections, grattages, scarifications... à tel point qu’elle conserve dans sa chair la trace de son geste aussi bien créateur que destructeur. La toile ne fait pas silence. Elle crie. Et c’est le temps de l’élaboration, le processus de création même, à jamais figé dans ses entrailles que l’on a l’impression d’entendre.